Entretien avec Sylvain George (par Adrien Genoudet)
Décembre 2014
Titre possible de l’entretien : « Pourfendre sans relâche »
J’aimerais, pour commencer, ton sentiment sur une citation que j’aime beaucoup. Elle me semble te correspondre. Elle est de Georges Didi-Huberman. Il évoque le cinéma d’Harun Farocki :
« À pourfendre sans relâche la violence du monde, les films de Farocki – malgré leur tact fondamental, leur façon en quelque sorte bressonnienne d’organiser le dialogue entre les images et de ne jamais lâcher leur sujet, tout comme Bresson tenait serré ses cadrages – font violence à une certaine prétention du spectateur quand il veut qu’on lui donne des conclusions. Cette violence n’est que la persévérance d’une pensée qui a compris ceci : une image n’a jamais le dernier mot (pas plus qu’un mot, d’ailleurs) »
Il ajoute, un peu plus loin :
« Élever sa pensée jusqu’à la colère. Élever sa colère jusqu’à se brûler soi-même. Pour mieux, calmement, pourfendre la violence du monde »
Je trouvais que cette citation correspondait bien à ton travail – j’aime surtout le mot « pourfendre ». Casser, créer des sillons. Il y a des mots clés, comme le mot « colère », qui peut s’apparenter à une définition de certains de tes plans, de certaines séquences… Et il y a cette idée de « faire violence », violenter le spectateur. La position que le spectateur a dans ton cinéma
SG : Je ne connaissais pas ce texte de Georges Didi-Huberman. Il est très beau. La colère, oui, cela peut être un moteur extrêmement puissant pour le travail créatif, puisqu’elle serait ainsi canalisée. Ou encore, elle peut permettre de détruire, et de voir ainsi des chemins à où il ne serait supposé y avoir que des murs, comme dirait de « Le caractère destructeur » de Benjamin. A l’inverse, elle peut-être vaine et stérile, retourner une force ou une énergie mortifère à l’endroit de son auteur… Combien de personnes, anonymes et magnifiques, n’ont-elles pu, trouver ce bidias particlier qui fais que de smond »se ccrée et se révelne t ou bienb s’engloytiisse.
Uestin de la confiance en soi ? Marfuerite Yourcenar en parle si bien dansun des textes de son recueil Le temps ce grand sculpteur… Le problème de la cifiance, le problème de ce srenconte qui fnt que tout unvoup quelque ccoses de nouveau peyt enfin être envisagé, un tunennel qui ne s’absolrbe pas sne se retourn pas sur luimême ;..
Peut-être est-elle un moteur de mon travail, comme celui aussi du désir, de ce moment unique, éphèmere, d’émerveillement klorsque l’on a l’impression devivre les chose spiyur la premi§re gois. Ou bien encore, que de scoses nous ramène à ce moemt omù l’on a cru, un moment d’enfance sans foute, voir les choses pour la rpremière…. C’est une sorte de conjugaison, une conjugaison entre que l’on peut ressentir je ne sais pas vraiment, car je ne pas l’uniquedétruire les murs .
C’est un élément présent ou, lié sans avec des éléments du passé, doute à cette découverte de s inégalités, Mais ce n’est pas forcément quelque chose qui s’adresse à quelqu’un en particulier – je suis en colère par rapport à des états de faits, à des situations que j’ai vu ou vécu. La colère est présente dans mon travail mais elle prend sa source à la fois dans des choses que je ressens et par rapport à des éléments qui m’entourent que je considère intolérables. Par exemple, toute une part constitutive de mon existence et de mon travail, est liée aux lieux où j’ai pu vivre ; notamment des lieux que nous appelons aujourd’hui des lieux de « relégations ». Des banlieues, comme Vaulx-en-Velin.
Ma mère était conservatrice dans une bibliothèque, mais elle est partie en bas de l’échelon. Elle termine aujourd’hui sa carrière. Les lieux qui composent ma vie m’ont souvent exposé à des situations de profondes injustices sociales et politiques, celles que l’on a appelé dans les années 80/90 en sociologie « les ségrégations sociales et territoriales ». J’ai été très marqué par cela. Mes parents avaient décidé, délibérément, d’habiter dans ces lieux. J’ai donc été témoin, dans ces années là, pour les avoir côtoyé, de ces premières générations dîtes « des beurs ». Ces personnes, dès leur plus jeune âge, ont été sujettes à des formes et des pratiques d’exclusions, de discriminations. C’était ultra-violent. De par leurs origines dîtes ethniques ils étaient confrontés à une violence symbolique exercée par une certaine terminologie. Ils ne comprenaient pas le mot « intégration » par exemple. Mes amis de l’époque me disaient « nous on est français ». A chaque fois que le mot « intégration » était prononcé ça les marquait au fer rouge, ce mot les renvoyait à leurs origines ethniques. Un terme très violent. Les banlieues se sont vites dégradées en l’espace de 5 ans après le choc pétrolier au début des années 70. Dès 76, 78 j’ai connu les premières bagnoles en train de flamber. Des personnes de mon entourage, des amis, très intelligents, se sont retrouvés complétement en retard, effacés. Puis, le temps passant, quand j’ai compris comment tout ça était mis en place, que tout cela résultait de dispositifs mis en place par les politiques – comment Vaulx-en-Velin est devenue une Zone Urbaine Prioritaire (ZUP) par exemple. J’ai compris que la vie de ces personnes, qui se retrouvent disqualifiées dès le début, dans leur vie professionnelle et autre. Lorsque j’ai compris que tout cela n’était pas le fruit du hasard mais le fruit de décisions politiques, délibérées et appliquées consciemment par tel ou tel. Lorsque j’ai pris conscience de tout ça, alors oui, j’étais profondément en colère. Parce que lorsque l’on voit sur le terrain des politiques sur des personnes qui n’ont pas accès aux médias, pas de réseaux d’écoles etc. et qui subissent de plein fouet les décisions politiques prises par des personnes qui partent avec des privilèges de naissance et qui ont le pouvoir. Oui, là j’étais révolté et en colère. Cette colère là, ces prises de conscience là, ce sont des choses qui m’ont profondément marqué et qui ne font que s’accentuer. Plus j’ai étudié, plus j’ai essayé de comprendre les mécaniques d’inclusions et d’exclusions plus tout cela a nourri mes considérations sociales, politiques mais aussi esthétiques et poétiques des choses qui m’entourent. Tout cela va venir alimenter mon souci de la justice politique.
C’est intéressant de voir que tu viens de lier presque automatiquement la notion de « colère » et de « violence ». Comme ce que note Didi-Huberman : « élever sa pensée jusqu’à la colère ». Et dans le même temps, « élever sa colère jusqu’à se brûler soi-même » ; passer à l’acte artistique, par exemple, pour aller jusqu’au bout du processus… Et il continue « pour mieux calmement pourfendre la violence du monde ». Dans les deux cas, les deux termes sont liés, chez Didi-Huberman, et chez toi aussi…
SG : Je ne parle pas de la dimension individuelle. J’essaye de tirer cette violence et cette colère vers l’expérience, pour qu’elle puisse être transmise. J’ai un parcours qui n’est pas du tout rectiligne, j’étais considéré comme un étudiant brillant mais j’ai décidé d’arrêter mes études. En arrivant à Paris, en cherchant à subvenir à mes besoins, j’ai vraiment compris et ressenti, dans ma chair même, ce que pouvait être la violence de cette société. C’est-à-dire : qu’est-ce que ça voulait dire et qu’est-ce que ça pouvait impliquer de ne pas avoir de diplôme. Comprendre quels types de métiers ont est obligé de faire. Mais aussi comprendre qu’à travers cela se construit une image de soi. Le métier que tu exerces te renvoie à une représentation sociale et participe de la construction d’une image de soi. En quelques mois, ma confiance en moi s’est retrouvée dégradée, surtout lorsque tu es jeune homme, que tu débarques dans une grande ville que tu ne connais pas. Tu comprends comment tout d’un coup le capital confiance culturel, qui persiste, qui est là, qui n’est jamais oublié, comment ce capital est remis en question, comment il se retrouve tout d’un coup perturbé. Ainsi, le désir de faire quelque chose devient inatteignable, voire inimaginable. Le simple désir d’Être devient quelque chose de proprement illégitime. Une certaine forme que l’on souhaite donner à son devenir, un certain métier que l’on aimerait exercer – en l’occurrence le cinéma – devient d’un coup quelque chose de saugrenu. Comment pourrais-je avoir la prétention de vouloir faire du cinéma ? Alors que je suis dans telle ou telle position sociale.
Et puis tout d’un coup, il y a eu un véritable basculement, pendant ces premières années à Paris, notamment entre 20 et 25 ans, ces années m’ont profondément déstabilisé et renforcé dans mon désir de cinéma. Il m’a fallu énormément de temps pour arriver à donner corps à ce désir qui était là depuis l’âge de 18 ans et qui ne m’a jamais quitté. Désir auquel je pensais journellement, il n’y avait pas un jour sans que je ne pense cinéma, c’était mon obsession. A des moments, par des situations auxquelles j’étais confronté pendant cette période, ce désir redevenait incongru, illégitime. Quelque part, je me rends compte que j’ai vécu une sorte de violence symbolique, je faisais mien des ensembles de la société, j’intériorisais une norme complétement injuste. Une norme que je trouvais injuste. Il pouvait y avoir des phénomènes de révolte mais ils se retrouvaient canalisés et se retournaient, dans le même temps, contre moi.
Cette colère et cette violence, j’avais besoin de les canaliser quelque part. Car, si elles ne se canalisent pas dans quelque chose de « constructif », elle devient nécessairement contre productive et destructrice. En ce qui me concerne ce sont de simples points d’appui : ne jamais rien lâcher, rester fidèle à certaines idées et convictions. Puis il y a eu le rôle de certaines rencontres, des études… L’important a été de m’accorder, de m’autoriser à faire ce que j’avais fondamentalement envie de faire. J’ai repris confiance petit à petit, j’ai canalisé mon énergie et j’ai essayé de produire quelque chose. C’est pourquoi j’ai vraiment l’impression de travailler pour quelque chose et non pas contre quelque chose.
Même si mes films peuvent paraître parfois violents ou mélancoliques ou désespérés, ils sont dans le même temps « organisés » – il y a une forme d’ « organisation du pessimisme »… Il y a une dimension très ouverte, plutôt que forclose et fermée.
Il y a deux éléments qui me surprennent dans ce que tu dis. Est-ce que tu penses que c’est ton milieu social qui t’a empêché de t’autoriser à faire du cinéma, à accepter d’être artiste. Ou est-ce que c’est la société elle-même, si on la prend comme concept ? Est-ce que tu as eu la sensation de lutter contre tes origines sociales ou contre la société pour passer le pas de la création ?
SG. C’est plus complexe que ça. Ma famille était certes modeste mais j’ai grandi dans les livres, j’ai toujours lu depuis l’enfance. On était dans des expériences post-soixantuitardes, j’ai été élevé avec la méthode Freinet à Vaulx-en-Velin par exemple. J’ai fait les premières sections « S12 », Arts Appliqués au lycée. J’ai découvert une forme artistique intéressante et déterminante en 6e : avoir la chance de rencontrer une célèbre troupe de théâtre américaine qui venait faire du théâtre en banlieue. Nous faisions du théâtre avec eux. Il y avait un véritable contexte culturel et artistique. L’idée d’embrasser la sphère artistique n’était pas inatteignable dans mon esprit.
Après, c’est vrai que personne dans ma famille n’avait embrassé ce type de carrière. Il y avait des codes, des réseaux et autres qui ne faisaient pas partie de mon milieu. Beaucoup, dès leur naissance, sont dans le sérail, ont les codes, les réseaux… Pour ma part, on ne m’interdisait pas de faire ce type de carrière mais on me prévenait, « c’est dur », « peu de gens y arrivent » etc. Des réflexions qui ont tout de même altérer mon désir. A Paris, je partais donc de zéro, je devais tout construire, ce qui impose une autre temporalité, le chemin est souvent bien plus long… Je me suis accroché, je n’ai jamais rien lâché en ce sens.
Je voulais faire des films parce que c’était le domaine où je sentais que je serais le plus à même de me réaliser. Pour beaucoup de personnes qui montaient à Paris, comme moi, le théâtre, le cinéma et d’autres arts apparaissaient comme le meilleur moyen pour révolutionner leurs conditions de vie. Le théâtre, pour beaucoup de personnes autour de moi à cette époque là, leur permettait de donner corps et donner forme, à d’autres expériences de vie, de remettre en questions leurs places sociales, leurs milieux sociaux. Mais malheureusement, lorsque je regarde rétrospectivement, peu de personnes n’ont véritablement réussi à en vivre, à en faire leur mode de vie. Pour beaucoup aussi, on reste attaché à un sale sentiment d’illégitimité. Je pense au grand cinéaste Antoine Vitez par exemple. Dans ses écrits, la question de la légitimité est permanente et pourtant il ne venait pas d’un milieu directement « populaire ». Mais il voulait être comédien et il a eu beaucoup de mal à percer. C’est après être devenu secrétaire d’Aragon que peu à peu il a fait de la mise en scène et qu’il s’est imposé en tant que metteur en scène… Cela n’a pas empêché que toute sa vie il se soit senti illégitime.
Encore aujourd’hui, notre société verrouille, empêche, de nombreuses vocations. Didier Eribon parlait de la société comme un « verdict » (La société comme verdict, 2013), mêlant à la fois les origines sociales et leur devenir dès lors que la personne s’émancipe et évolue au sein d’une société donnée…
SG : Je reste fondamentalement persuadé qu’un individu est irréductible. Il ne peut pas se réduire à une origine sociale ou ethnique. Un individu quel qu’il soit ne peut pas se réduire aux représentations qu’une société peut véhiculer de lui. Tout le travail c’est de réussir à s’accorder la liberté, le droit d’une certaine façon, à l’existence. S’accorder le droit de s’épanouir à travers le champ – mais aussi le médium – le plus idoine, pour justement engager un profond travail de définition de soi. Savoir déconstruire les représentations qui nous traversent et qui influent sur nos vies.
La dose de colère, la dose de violence, elle est nécessairement le reflet de la violence sociale et politique de ces représentations que la société diffuse. Qu’est-ce qui fait, dans le même temps, qu’une violence destructrice devient une violence créatrice en termes benjaminien ? C’est à partir du moment où le medium est choisi, trouvé, que peut commencer un travail de redéfinition.
Tu parles beaucoup de désir… de désir de cinéma. Ce medium dont tu parles, celui qui t’a permis de venir canaliser cette colère et cette violence, c’est le cinéma. J’aimerais bien que tu expliques le pourquoi, pourquoi le cinéma et non pas un autre art ou médium. Pourquoi ce médium est apparu, dans ton travail, comme le meilleur moyen de venir condenser tous ces désirs ? Pourquoi, dans le même temps, ce désir était-il présent si tôt, tu as dit 18 ans, et que tu as commencé à faire du cinéma près de 15 ans plus tard ?
SG : À 18 ans, ce désir est devenu extrêmement évident au sortir d’un film que j’étais allé voir avec ma mère, Fanny et Alexandre (1982) de Bergman – que j’ai revu d’ailleurs et que je trouve très mauvais. Je suis sorti de la salle et je me suis dit : « je veux faire du cinéma ». J’avais été marqué par une séquence en particulier : celle où l’androgyne est enfermé dans un appartement juif, il y a quelque chose dans ces images qui m’a beaucoup intrigué. Mon éducation, parallèlement, était fondée sur le livre. Il n’y avait pas la télévision chez moi. J’ai lu tout Zola, Émile Ajar, La vie devant soi et autres, j’avais 10 ans.
Ma mère était férue de cinéma. Elle avait un petit cahier où elle faisait des fiches dans lesquelles elles conditionnaient ses impressions sur les films qu’elle allait voir. La dimension du cinéma était présente chez moi, à la maison. De plus, mes parents encourageaient le fait que nous devions dominer notre temps libre. J’allais donc au cinéma seul. Le premier film que j’ai vu seul c’était Beau-Père de Bertrand Blier, j’avais 13 ans.
Adolescent, j’étais très mal, j’avais le sentiment d’être extrêmement vieux. Je me sentais blessé – un mal être profond. Le cinéma apparaissait comme un refuge, j’avais le sentiment d’être en sécurité dans une salle. Je me confrontais au monde par le biais de la projection. Au départ, je suis venu à Paris pour faire du cinéma ! Simplement, je me suis retrouvé confronté à des principes de réalité. Je devais survivre, subvenir à mes propres moyens. Je ne connaissais personne, j’ai mis du temps à savoir où j’allais.
Mais qu’est-ce qui a fait que tu as senti que c’était le langage cinématographique qui correspondait à ces désirs ?
SG. Le sentiment que se conciliaient dans le langage cinématographique de multiples centres d’intérêt. J’aimais la sculpture, la littérature, la peinture, la gravure, le théâtre, la philosophie…
Le cinéma vu comme art total…
SG. Oui, mais sans tomber dans l’art total à la Wagner. J’avais ce sentiment que le medium cinématographique pouvait concilier de multiples centres d’intérêt, un medium qui pouvait dans le même temps être irrigué par des centres d’intérêt très divers ; à la fois littéraire, musical, pictural. Le cinéma pouvait être l’outil – le creuset – qui pouvait mettre en jeu ces différentes lignes politiques et esthétiques. J’ai toujours raisonné comme cela.
Tu as parlé de la place du livre, mais quelle était la place de l’image dans ta vie d’enfant et d’adolescent – et d’adulte ? Quel serait ton premier rapport au visuel, à l’image ? Est-ce que c’est « quelque chose » qui t’a intrigué, que tu as voulu comprendre, autrement ?
SG : Il y a eu déjà l’importance du dessin, de l’écrit. J’ai toujours écrit des petits textes, depuis que je suis enfant. Je dessinais beaucoup. À 18 ans je m’intéressais beaucoup à la sculpture. J’ai fait des grandes sculptures de 2 mètres, en autodidacte. J’avais une frustration par rapport au dessin, j’ai fait de la gravure, de la peinture. Je me suis vite exprimé par l’image. De manière surprenante, je ne m’intéressais pas du tout à la photo…
On reviendra sur la forme dans tes films mais il est intéressant de noter dès maintenant qu’il y a souvent une envie d’arrêter l’image, de la saisir. Tu utilises beaucoup l’arrêt sur image, le ralenti… Comme si tu cherchais, d’une certaine manière, l’ « image juste »… On n’a jamais l’impression, dans tes films, qu’une image est acquise si je peux m’exprimer ainsi. Je ne te considère pas comme un artisan de l’image, comme un fabricant d’images, il me semble que tu cours après elle, que tu la cherches. L’image, chez toi, n’est jamais là, en attente… Tu vas aller la chercher.
SG : Je suis d’accord avec toi. C’est une question difficile. Pendant toute ma période de gestation, j’ai tout fait pour préserver mon désir de cinéma. Surtout ne pas altérer ce désir. Je considérais que le cinéma était mon espace. Dans le même temps, je me posais de véritables questions. Je me demandais, « si tu devais prendre une caméra, comment tu filmerais ? » ou encore « qu’est-ce que c’est que filmer ? ». Je me mettais dans la position du cinéaste, de celui qui produit ses propres images, mais sans avoir une idée arrêtée.
Donc, petit à petit, je me suis demandé ce que cela impliquait de faire une prise de vue. Mentalement, j’imaginais des situations ; mais sans avoir véritablement de pratique. Dans la même période, je reprenais mes études. J’ai fais trois DEA en un an : en cinéma, en philosophie et à Sciences Po. Le DEA de cinéma, avec Nicole Brenez était un peu un prétexte pour poser à plat mes idées de cinéma. J’ai décidé de travailler sur les films de Gianikian. Le cinéma expérimental m’intéressait beaucoup. L’année d’après c’était soit le cinéma, soit une thèse de doctorat et j’ai foncé dans le cinéma. Je commence vraiment le cinéma en 2006. Je concrétise l’idée du cinéma en 2006.
Pour revenir à ce que tu disais, je me rends compte aujourd’hui que je travaille beaucoup sur les notions de « présentation » et de « représentation ». En fait, le type de cinéma qui m’intéresse est un cinéma qui profondément doute, qui est intranquille, qui pose des questions, qui se remet en question. Un cinéma qui peut assumer un point de vue, produire de la connaissance mais qui, dans le même temps est fondamentalement en crise. Ce qui m’intéresse c’est un cinéma qui est parfois puissant et dans le même temps très fragile, très ténu. Je dirais que c’est le cas, souvent, dans le cinéma expérimental. Mais c’est aussi le cinéma de Vigo, d’Epstein, de Dreyer… Un cinéma qui peut paraître parfois très maîtrisé mais qui est en fait souvent un cinéma qui ouvre des béances. Un cinéma dans lequel on sent qu’il y a quelque chose de la béance qui se met en jeu.
Un cinéma qui pourfend…
SG : Oui, c’est ça, qui pourfend. Un cinéma où l’acte de création est aussi destructeur. Dans le sens où pour créer quelque chose il faut toujours décréer. Pour créer quelque chose il faut détruire. Ça peut passer dans des films qui semblent avoir une esthétique parfaitement maîtrisée ou d’autres avec une esthétique plus évanescente. Mais on trouve toujours des éléments intranquilles. Des béances qui ouvrent vers quelque chose de loin et qui va très loin. Ce cinéma est un cinéma qui réinterroge profondément les catégories admises et qui saisit un mouvement de définition et de redéfinition des êtres et des choses. Il y a toujours des éléments qui se retrouvent être en souffrance, d’une certaine manière, et qui se retrouvent être actualisé, réactualisé, dans le processus même de création. Les œuvres qui mettent en branle ce processus sont souvent extrêmement puissantes et aussi violentes. Une violence manifeste, calme ou apaisée… Dans le même temps, tout cela traduit une extrême générosité. Les œuvres qui ouvrent sont des œuvres puissantes et avant tout généreuses.
Souvent – dans la littérature aussi – on sent que l’auteur permet de mettre des éléments à la lisière. C’est très important, je pense, pour l’artiste, d’aller aux lisières, de toucher les lisères, de parcourir les seuils. Pour que tout d’un coup le travail artistique devienne un jeu sur les seuils, un travail sur les différents plateaux, pour mieux donner à voir le jeu des balances et des bascules qui existent dans nos sociétés. Un travail qui permet de renverser des catégories admises et d’opérer des renversements dialectiques. Le cinéma permet de mettre en place ces mouvements dialectiques, d’un plan à un autre, de la majorité à la minorité. C’est important, dans le champ artistique, de comprendre cette capacité où tout d’un coup l’art permet de basculer ce jeu des plateaux.
Dès lors, en terme de processus de prise de vue, on se retrouve être dans un processus de connaissance. Lorsqu’on est confronté à la réalité, au moment de filmer, on ne peut jamais être dans l’imposition d’une image qui est préalablement établie. L’image surgit dans ce schéma de tension entre le sujet filmant – qui est à l’écoute, aux aguets – et le sujet filmé. Tout se retrouve remis en jeu. On est dans un processus de désubjectivation et de resubjectivation. C’est dans cette intensité que tout d’un coup l’image se produit. Ce qui permet, souvent, de pourfendre des évidences, des catégories communément admises ; grâce à cet avènement de l’image au sein de ces tensions. L’image juste, c’est l’image qui capte ce mouvement.
C’est pourquoi je pense que mon cinéma ne déblatère pas des vérités, ni qu’il impose du sens. C’est pourquoi je me refuse à utiliser ces catégories de « cinéma militant » ou « cinéma engagé » ou encore « cinéma politique ». Je le refuse parce que tout de suite ce sont des catégories figées qui sont utilisées par des personnes qui délégitiment, dans le même temps, certaines formes cinématographiques.
L’acte de filmer, pour moi, dans cette fabrique de l’image, c’est le souci de soi et des autres et c’est quelque chose qui reste en l’état de latence et qui advient ; qui advient. Cette notion de l’advenir se cristallise dans une image et dans une forme filmique…
Ce qui veut bien dire que tout dans ton travail est processuel ; une grande partie de ton travail se base sur un effet de maïeutique, les choses et les images adviennent. C’est par l’acte de filmer que tu peux mettre en place – en mouvement – ce processus qui détermine tout ton cinéma, du tournage à l’œuvre finale. Ce qui m’amène à ta pratique. Comment mets-tu en branle ce système, est-ce que tu écris, par exemple, des canevas de scénarios, des trames de récits ? Est-ce que tu vas sur le terrain avant de tourner, est-ce que tu prends des notes ? Qu’est-ce qui fait que tu passes le pas ? Quand advient, si tu veux, le moment où tu laisses les choses advenir, autrement dit le moment de filmer ?
SG : Dès le départ, je me suis dit qu’il ne fallait pas sacraliser la caméra, ni l’acte de filmer. Ne surtout pas mythifier l’acte de filmer. Dans le même temps j’ai voulu complétement déconstruire ce mythe. Mon idée c’était que l’acte de filmer devait être quelque chose d’extrêmement quotidien… banal. Une banalité revendiquée de l’acte de filmer. Ne pas sacraliser, dans le même temps, l’acte de création.
Donc il n’y a pas, dans ton travail, de passage à l’acte…
SG : Absolument pas… Surtout ne pas raisonner en termes de débuts, de milieux et de fins. Penser en termes de processus. Il y a toujours un processus qui se lance. C’est d’autant plus vrai que j’ai toujours eu tendance – notamment pour des textes universitaires – à raisonner en ces termes : bloquer tel jour, lire telles choses, écrire à tel moment… Du coup, c’est complétement inopérant, ça produit de la contrainte, une mauvaise contrainte. Ça créé une peur, une certaine tension qui n’est pas productive.
Par contre, penser à ce processus dans le temps long. Penser que chaque chose quotidienne, chaque élément, permet de donner forme à autre chose. En regardant le processus de cette manière j’ai compris que tout opérait, que les choses proliféraient – à des rythmes divers. En bref, une apparente improductivité se traduit par une productivité croissante et accrue… A l’inverse, dans un souci de productivité, les choses n’étaient pas efficientes.
Il y a presque un paradoxe dans ce que tu dis ici. Tu me disais que tu as préservé le cinéma – ton désir de cinéma – pendant plusieurs années. Tu as sacralisé, d’une certaine manière, le cinéma… et donc, par là même, le passage à l’acte de filmer.
SG : Non, je ne l’ai pas « sacralisé », je l’ai préservé… Je ne l’ai pas sanctuarisé non plus. J’ai voulu préserver mon désir de cinéma, ne pas l’altérer par certaines expériences. Je n’ai pas voulu avoir des expériences qui aurait pu altérer ce désir : être assistant réalisateur par exemple ou autre. Je me suis dit que le chemin serait peut-être plus long, mais en aucun cas, pour ce champ là il ne devait y avoir de concessions. Ce medium devait suivre, pour moi, un plan éthique et philosophique le plus juste possible.
Il n’y a donc pas une séparation, dans mon travail, entre le cinéma et la vie, entre le pratique et le théorique. Lorsque je produis mes images, je mets en pratique mes points de vue éthiques et philosophiques. Je ne veux pas être en contradiction par rapport à ça. Ne serait-ce que sur le terrain, je n’utilise jamais un « dispositif policier » pour filmer un sujet, je ne vais pas me planquer derrière un arbre pour filmer quelqu’un à son insu. Je ne vais pas utiliser des dispositifs pseudo-démagos en donnant une caméra à un sujet et en lui demandant de filmer pour moi… Je ne vais pas payer des gens – comme dans le documentaire anglo-saxons – pour avoir telle ou telle information… Ce n’est pas une position morale. C’est une éthique. Dans l’acte même de filmer et de produire une image se met en jeu mes conceptions éthiques et philosophiques, esthétiques, dans mon rapport aux autres etc. C’est dans la production de l’image que se jouent ces priorités.
La réalisation d’une image doit mettre en œuvre, comme principe actif, ces positions. C’est d’ailleurs pour cela que je ne supporte pas le fossé qu’il y a chez de nombreux réalisateurs entre les principes éthiques et la pratique.
D’ailleurs, pour poursuivre sur cette question de la pratique, j’aimerais savoir comment un sujet s’impose plus qu’un autre. Qu’est-ce qui fait que tu te dis, « je vais à Madrid ». A quel moment le sujet d’un film s’impose ? Est-ce que l’on peut parler d’ailleurs d’imposition ? Qu’est-ce qui fait que certains sujets te conduisent vers un film – étant donné qu’il y a toujours des sujets avortés ? Par exemple, est-ce que tu t’es dit, par rapport aux conflits sociaux, que tu voulais aller à Notre Dame des Landes, avec les zadistes et autres ?
SG : À la base, quand j’ai voulu faire du cinéma, j’avais un certain horizon d’attente. Je voulais faire des films que je ne voyais pas. Des films qui conciliaient une exigence formelle et cinématographique et qui travaillaient sur des questions que je ne trouvais pas dans le cinéma mainstream. Beaucoup de sujets n’existaient pas. La question migratoire s’est vite imposée. Je connaissais beaucoup de sans-papiers, j’avais travaillé avec eux, j’avais été confronté aux réalités directement. Et j’avais besoin de travailler le contemporain – et cela rejoint directement le sous-titre de Vers Madrid : évoquer le présent, c’est toujours travailler sur les notions d’actuel et d’inactuel.
Le sujet abordé est toujours pris dans un processus, c’est ce que nous disions. Puis tout fait rhizome. Tu me demandais, comment je travaille ?
Dans mon premier film, au départ, j’avais fait un travail de recherche lorsque je rédigeais le dossier pour le CNC : quelles sont les politiques migratoires, les principaux textes, comprendre les politique européennes, l’histoire de l’émigration etc. J’ai formulé un certain nombre d’hypothèses politique, artistique et esthétique que j’ai consigné dans un projet. Le projet a été accepté, c’est ce qui a lancé le processus de ce qui deviendra Qu’ils reposent en révolte. Un court métrage qui est devenu un long métrage et qui est devenu une trilogie, avec L’Impossible et Les Eclats. Quand je commence ce projet, j’ai ressenti la nécessité à Calais de rester le temps nécessaire. Je me suis vite rendu compte que je n’allais pas faire un simple film de vingt minutes, que j’allais rester trois mois. Il y avait des réalités auxquelles j’étais confronté que je voulais appréhender pleinement. J’avais la sensation qu’il y avait quelque chose qui se cristallisait devant moi, qui s’imposait. J’ai donc voulu rester le temps nécessaire – cela voulait dire, dans le même temps, mettre en place des stratégies économiques pour me permettre de réaliser jusqu’au bout mon projet.
Pour atteindre le film juste, d’une certaine manière.
J’y suis donc allé pendant trois ans au lieu de trois mois. Je devais aller au bout de mon ressenti. Ensuite, il y a un temps de montage. La première partie a donné Qu’ils reposent en révolte mais je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de matériaux qui n’avaient pas été utilisés et qui m’apparaissaient très importants. Lors du montage, moment t dans la réalisation, instant arbitraire, il y a toujours une appréhension différente et exclusive des images. Certaines images me paraissaient être restées en souffrance après le premier montage. De plus, j’avais contracté des engagements avec certaines personnes que j’avais filmé en leur disant « votre témoignage ne sera pas vain, il sera inséré dans un ensemble filmique ». La scène finale dans Les Éclats, de discussion géopolitique fait partie de ce type de séquence, celle de ce jeune homme qui dit « on brûle de l’intérieur »…
Séquence qui est d’ailleurs étonnante dans ton œuvre… C’est une des seules séquences de « parole » frontale dans tes films. Il y a des films-portraits comme Un homme idéal, mais cette séquence est la seule qui apparaisse si distinctement au sein de tes choix formels et des dispositifs que tu mets en place…
SG : Oui, dans Les Éclats, j’ai poussé des partis-pris que je n’avais pas pu encore mettre en place. Il y a de la musique par exemple, contrairement à dans Qu’ils reposent en révolte. La parole est traitée différemment. La parole éclate d’une certaine façon, à la fin du film.
Dans Les Éclats on a l’impression d’une forme en entonnoir. On se dirige peu à peu vers ce lieu où la parole éclate. Dans ce film on se retrouve souvent à tendre l’oreille, on n’entend pas toujours ce qui se dit, voire on ne comprend pas par l’absence délibérée de sous-titres. On regarde dès lors davantage les corps. Arrive ce moment où la parole s’élève. Dans L’impossible et dans Qu’ils reposent en révolte, le spectateur attrape des bribes de paroles…
SG : Je suis d’accord avec toi. Dans Qu’ils reposent en révolte je voulais travailler sur ces notions de fragments, de bribes. J’utilise des jump-cut à dessein par exemple. Dans Les Eclats j’ai donc voulu travailler la parole autrement. Cette scène finale tournée au hasard m’était restée en mémoire. Ces personnes se sont livrées en plein jour et ont livré des paroles extrêmement fortes qui renversent les représentations admises. Cela montre que les afghans ne sont pas des gens non éduqués, sans conscience politique etc.
C’est ça ce que je trouve magistrale. En fait, à y regarder de près, tes films et notamment cette « trilogie » se répondent complétement. On retrouve des figures, des motifs, des formes qui font que ces films dessinent une unité. La figure du migrant semble toujours passagère, éclatée, apparaissant par fragments…La fin des Eclats vient condenser et comme unifier ces multiples bribes éparpillées au gré des films. Ce moment de parole est unique parce que c’est un point nodal – on arrive dans cette séquence comme si elle était là depuis le début, que le long processus de filmage a permis de l’atteindre, de la dé-couvrir. En ce sens que la découverte induit toujours quelque chose de déjà là… en attente d’être découvert. C’est comme si tu avais laissé cette séquence en gestation pendant trois films…
SG : (rires) Oui… je ne peux pas te dire… La forme a été définie par ce qui n’avait pas été utilisé dans les films précédents, c’est un travail de recyclage.
Mais je ne recycle jamais les mêmes images. Dans Les Eclats, ce sont des images inédites. Ce sont des images que je n’ai jamais montré.
Oui et en parallèle tu recycles des images extérieures. Je pense aux films de Lionel Soukaz dans L’Impossible.
SG : Pour les images de Soukaz, c’est parce que Nicole Brenez m’a proposé de faire un film en Super8 sur Calais de 10 minutes avec en voix off une lettre-documentaire que j’avais écrite. On me propose, dans le même temps, de diffuser ce film au Mk2 pendant le Cinéma du Réel [AJOUTER ICI PROPOS SUR KARMTIZ, SI TU VEUX, INAUDIBLE SUR L’ENREGISTREMENT]. Je ne voulais pas être projeté au MK2. Dans le même temps je pense aux films de Soukaz. [CLARIFIER LE LIEN AVEC LES TRAVAUX D’HOCQUENGHEM].
Il me dit qu’il avait des images en 16mm avec Guy Hocquenghem. Il y avait la marche gay aux Etats-Unis et un épisode de Race d’Ep. Il m’a donné les images et très vite j’ai voulu créer une forme de télescopage entre le texte et ses images. Tout en respectant le travail de Soukaz je me suis réapproprié ses images, avec la couleur, le noir et blanc, la musique… J’ai poussé des partis-pris dans leurs retranchements, mais je ne pense pas avoir trahi l’esprit de ses images. J’ai ajouté du punk des années 70. C’est devenu une sorte de pamphlet cinématographique avec des images de Soukaz et en off des lettres de Hocquenghem lues par Soukaz. J’ai voulu faire une forme composite avec les images de Calais, celles de jeunes gens pendant le CPE et la LRU, les luttes filmées par Soukaz… J’avais l’impression que quelque chose se tissait.
L’Impossible est donc une improvisation, un grand collage.
D’où l’idée du sous-titre « pages arrachées »…
SG : Absolument ! C’est un film qui s’est improvisé pendant le tournage de Qu’ils reposent en révolte.
Pour continuer dans ces différentes phases de mon travail : pendant le montage des Eclats commence ce que l’on a appelé le « Printemps Arabe ». J’étais extrêmement intéressé de me rendre sur les lieux. J’y suis allé en Lybie en 2008 pour rencontrer des migrants. Je connaissais donc certains lieux. Ces révolutions, en plus, se passaient souvent dans des pays de transit, des pays directement liés avec les phénomènes migratoires. Malheureusement je n’ai pas pu y aller. Deux mois après la chute de Moubarak, les événements à Madrid commencent. Je pars donc à Madrid. Je vois qu’il y a peu de choses écrites ou dites. La presse française est très absente. J’y suis allé. Tout cela faisait écho, dans le même temps, à mes préoccupations…
C’est ce que je voulais te demander. Il y aussi l’homme qui part et qui part à la rencontre de ces phénomènes sociaux et politique, il n’y a pas que le cinéaste… Est-ce qu’il y a l’envie, dans ces déplacements et dans ces désirs, de rejoindre l’émulation des Printemps Arabes, de vivre la révolte, l’envie d’être là où les révolutions se passent. Être là, en tant qu’homme, au bon moment.
SG : Vivre la révolte, je ne suis pas sûr. Je ne me considère pas comme un révolutionnaire. Ça dépend ce que l’on entend par « révolutionnaire ». J’ai une grande solidarité pour des mouvements dits « minoritaires », des combats qui engagent une volonté de transformer l’ordre politique et social. Ce qui me marque c’est la reproduction des inégalités sociales et politiques. L’exploitation de l’homme sur l’homme et de l’homme par l’homme et de l’homme sur la nature.
Je me suis beaucoup intéressé au concept de la redéfinition de l’humanisme chez Walter Benjamin. Ce qu’il appelle « l’humanisme réel » qui est aussi un vrai projet révolutionnaire. Devenir l’allié de la nature. J’ai parlé, pour ma part, d’a-humanisme [REDEFINIR ICI]. Ce qui était en jeu, chez les Indignés et dans les Printemps Arabes, c’est le politique, l’actualisation de l’être et de l’agir, de tout un chacun, la remise en cause totale des partages établis. On était dans la politique pure. Ces personnes ont montré que le pouvoir n’est pas uniquement celui des pouvoirs institués. Le pouvoir politique, à l’état pur, est composé par les individus. Ce souci du politique à l’état pur, c’est ce qui m’intéresse le plus et c’est ce qui est révolutionnaire.